Archives mensuelles : mars 2013

La relation retrouvée

La relation retrouvée’ est un processus efficace de réconciliation. Dans la marche, l’équilibre est assuré dans le mouvement alterné de chaque jambe ; dans le dialogue, le cheminement est assuré de la même façon, alternativement par chacun des partenaires. La relation retrouvée s’inscrit dans un dialogue à deux : soi blessé par l’autre cherche à reconstruire la relation endommagée par cette blessure (Notez les deux acteurs : soi et l’autre).

Voici la formule de ce processus (‘/~/~/’ indique une alternative) :

Quand j’ai /~ entendu telle parole /~ perçu tel comportement / de ta part,
J’ai ressenti /~ telle émotion /~ tel sentiment /.
J’aurais préféré que tu /~ me dises /~ me fasses / telle chose…

La formule commence par « quand… » pour préciser le contexte. Car dans une relation vraie, on ne parle pas en général, on n’utilise pas ces adverbes généraux : ‘toujours’, ‘jamais’, ‘tout le temps’, etc. Mais on parle d’un moment précis, d’une circonstance donnée, d’un lieu précis…

Pendant tout le processus, soi s’exprime à la première personne : ‘je’ et non pas ‘tu’. C’est ‘soi’ qui parle à ‘l’autre’ ; et qui parle de ‘soi’ et non pas ‘de l’autre’. Ce réglage est important. Sans lui, ce qui va suivre n’aurait aucun sens.

« …entendu » ou « …perçu » : ces verbes expriment une réception. Soi affirme seulement ce qu’il a reçu. Il y a un écart possible entre ce qui a été envoyé et ce qui est reçu. Si ce malentendu est réel, il suffit parfois de le mettre à jour pour reconstruire la relation.

Notez aussi « de ta part » : il ne s’agit pas d’une rumeur, d’un ‘on dit’. Soi affirme une relation qui existait et qui vient d’être malmenée. Le cadre est donc posé : nous étions en relation et notre relation s’est enlisée à la suite d’un quelque chose qui partait de l’autre en direction de soi.

Gardant la main, soi exprime alors un ressenti ; c’est le résultat d’un exercice de lucidité qui l’a poussé à se demander : « Qu’est-ce que je suis en train de ressentir face à ce qui m’arrive ? ». Cette prise de conscience est le cœur des retrouvailles. Il est exclu que je puisse accueillir de nouveau l’autre tel qu’il est, si je ne suis pas capable d’accueillir lucidement mes sentiments ou mes émotions, ce dans quoi je baigne et qui n’est pas du domaine de la raison, qui peut me bousculer, me désarçonner ; au risque d’un réflexe, destructeur, pour notre relation.

Mais cette prise de conscience, par moi-même, en moi-même, ne suffit pas ; il me faut la mettre en mots pour l’autre. Un autre qui, devant quelque chose d’important pour moi, va se reconnaître capable de m’entendre. Un autre qui, devant ma simplicité dévoilée, oubliera sa crainte d’être accusé ou d’être objet de reproches, trop content sans doute de n’être plus sur la sellette.

Seulement, exprimer un ressenti ne suffit pas à reconstruire une relation perdue. Il faut savoir où aller ensemble. Alors soi, qui a la main, la garde pour demander : « J’aurais préféré… ». Une attente qui n’avait peut-être pas encore eu le temps de se mettre au jour (peut-être même chez soi), mais qui profite de l’incident pour le faire.

Avec l’expression de cette attente, l’amorce de la réconciliation est bouclée. L’avenir ne dépend plus de soi mais de l’autre, et non pas à partir de l’incident, mais à partir d’une attente. Soi blessé devient mendiant, dépendant. Si la relation entre soi et l’autre peut se retrouver pour revivre, ce sera maintenant grâce à l’autre. Soi a fait comme on dit « un bout de chemin » vers lui. À l’autre de jouer maintenant.

Bien évidemment, l’autre est attendu dans sa réponse, non pour se justifier (on verra plus tard si c’est encore nécessaire), mais pour répondre à soi et à son attente.

Merveilleux dialogue recréateur de liens !

Je vous souhaite de bons moments.

D. Dubois

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 Tous droits réservés © Daniel Dubois – Décines, 2013

(Ce processus, que j’ai partiellement transformé par ma pratique, est évoqué par Daniel GOLEMAN, dans L’intelligence émotionnelle au travail [Village mondial, 2002], citant Haim GINOTT).