Archives mensuelles : février 2013

Vitesse limitée et autres savoir-vivre

Dans une résidence proche de la nôtre, un enfant a été tué par une voiture sur une allée de circulation. Je ne connais pas les détails, mais il est probable que la voiture roulait trop vite et que l’enfant a dû avoir une réaction imprévisible. Deux banalités rentrent en coïncidence, et une vie est fauchée. Un avant et un après. Et des parents, et sans doute aussi un chauffard, qui se retrouvent en très grande souffrance.

Nous nous en sommes émus lors de notre dernière assemblée de propriétaires, car cela aurait pu se produire chez nous. On a envisagé la pose de ralentisseurs, mais c’est onéreux. Alors on s’est résolu à une affiche dans la cage d’escalier. Sans attendre, certains avaient réagi auprès des conducteurs indélicats pris en flagrant délit d’inattention. Avec quelques résultats, et sans que l’ambiance n’en souffre.

Dans le métro, il y a une semaine, une grande adolescente était embarrassée avec sa guitare qu’elle n’avait apparemment pas encore l’habitude de transporter. La housse paraissait en effet toute neuve. En se levant pour se préparer à sortir, sa guitare qu’elle tenait en bandoulière a glissé, tombant sur le front de la vielle dame assise devant moi, qui a réagi en jurant fortement. La jeune toute rougissante s’est excusée platement, gênée sans doute par sa timidité. Et la vieille de monter les tours. La petite devint agressive. Il m’a fallu une certaine autorité du regard et de la main, pour l’inciter à lâcher prise, pour lui montrer qu’elle avait fait ce qu’il fallait et qu’elle pouvait se tourner vers la porte pour sortir à la station qui arrivait. La vieille dame se tourna alors vers la banquette d’à côté et embrassa une petite fille qui nous avait réjoui, du haut de ses trois ou quatre ans, en lisant son livre de découverte de la ferme avec sa maman. Sa fureur était passée.

Je relie ces deux sujets, car ils nous parlent de la même chose. Nous sommes confrontés en permanence, à des émotions qui nous déroutent, et parfois nous agressent. Qui nous apprendra à les laisser venir, en les canalisant s’il faut se protéger, ou en attendant qu’elles s’épuisent dans le cas contraire ? Et nous sommes tout aussi souvent confrontés à des inattentions qui peuvent être fatales, car rien ne les justifie. Rouler à 20 km/h sur 100m dans une résidence au lieu de 40, demande 8 secondes de plus. Huit secondes pour se mettre à l’abri d’un meurtre. Qui nous le rappellera ? Jurer, réagir bruyamment quand on se fait cogner par une guitare à la suite d’une maladresse est normal. Qui nous apprendra la parole juste, la patience et la maîtrise de soi pour laisse à l’évènement la place qui lui revient, sans autre débordement que des jurons ?

Dans notre vivre-ensemble incontournable, il y a un souci de l’autre qui peut s’exprimer dans des zones aujourd’hui délaissées, au sens d’un amour délaissé. La télé-réalité nous berce de moqueries face à des émotions ou à des inattentions. Voilà l’éducation que la soi-disant culture de masse donne à la grande majorité de nos concitoyens. Ces deux sujets nous rappellent que, dans la vraie réalité, il y a d’autres attitudes souhaitables. Chacun peut gaffer, chacun peut être ému, chacun peut rêver quand il conduit ; nous sommes construits de telle façon, et nous vivons de telle façon que cela est possible, fréquent même. Ce n’est pas grave si le voisin, le proche, prend le relais du souci de bien vivre ensemble. C’est ce qui s’appelle la correction fraternelle. La Bible, qui souvent nous donne des leçons ou des conseils fort à propos, nous dit que cette correction fraternelle nous évite d’être responsable de la faute de l’autre.

Voilà une bonne sagesse pour être concerné par ce qui se passe à côté de nous.

D. Dubois

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