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Vérité et charité

Est-il charitable d’accepter l’incompétence d’une personne au motif d’une soi-disant délicatesse ? Cette très pertinente question se posait dans une équipe d’animation cherchant à améliorer son service…

Or je lis dans Ce que Marthe leur a dit ; conversations inédites [Éditions de l’Emmanuel / Éditions Foyer de Charité ; 2015 ; p. 199] : « Toute charité est mauvaise qui consiste à accepter ce qui est contraire à la Vérité ». Ce livre succulent nous livre des réflexions de Marthe Robin dont ont témoigné ses visiteurs. Si vous voulez savoir comment une mystique peut rester très concrète, lisez ce livre !

Par son enracinement local, Marthe avait hérité du bon sens paysan. Par son union mystique à Jésus et à Marie, Marthe avait aussi une intelligence très pointue de nos situations humaines, une vision théologique. C’est pourquoi, ses réflexions méritent qu’on s’y arrêtent.

La charité évoquée ici n’est pas une disposition de l’esprit ou un sentiment, mais un engagement concret. Sa mise en relation avec accepter le prouve. La charité est essentiellement une manière d’agir. Cette action peut être une réflexion, activité intellectuelle débouchant sur une décision d’action. La mauvaise charité que Marthe évoque, partirait donc de ces bons sentiments comme la délicatesse ou la pitié qui sont nos propres dispositions affectives ; alors que le matériau de notre charité, ce sont les exigences ou les manques de l’autre. L’autre est au centre de notre charité, et non pas nous avec nos sentiments.

Accepter ce qui est contraire à la Vérité. Accepter, voilà un verbe d’action. En fait, bien souvent hélas, il s’agit d’omission.

La Vérité : en posant le débat au plus haut, on se rappelle que Jésus à dit qu’il était la Vérité (Jn 14. 6) et ailleurs qu’en écoutant sa parole, nous connaîtrons la vérité et que cette vérité nous rendra libres (Jn 8. 32). C’est sans doute l’interprétation des auteurs qui ont mis une majuscule au mot Vérité. Mais on peut aussi recueillir ce mot dans son sens habituel : sont vraies les paroles qui expriment la réalité avec justesse. C’est-à-dire dans la bonne mesure, ni trop ni trop peu. Ce qui nous ramène au discernement, ce bon sens évoqué plus haut.

Comment apprécier la vérité de l’autre ? Un premier niveau : la personne vit-elle en conformité avec ce qui l’entoure, dans l’espace ou dans le temps ? Par exemple le déni dans la période de deuil, est une phase de rejet des réalités ; la charité ici consiste à accompagner l’autre dans son cheminement personnel qui le fera sortir de son déni.

Refuser certains comportements est une autre piste. Non pas en jugeant, ou en attaquant l’autre, mais en exprimant clairement son propre refus : « je ne peux pas entendre ça, je ne peux pas voir ça ». À l’autre de modifier son comportement, et à notre charité de l’accompagner dans ce changement.

Enfin, au-delà des simples comportements, les compétences ou la manière de s’organiser peuvent être le théâtre d’une distorsion entre les désirs de l’acteur et le résultat inacceptable de ses prestations. Cet écart doit alors lui être révélé pour que la vérité se fasse et que l’acteur, accompagné avec charité, rentre dans un processus de changement.

À vrai dire, Vérité et Charité me semblent bien complices.

Daniel DUBOIS

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