Archives mensuelles : février 2014

Partage et frontières

À quelques jours d’intervalle, deux nouvelles apparemment sans liens, m’interpellent, comme deux synchronicités si chères à C.G. Jung.

La première concerne la sortie d’un livre, Le tour de France, exactement, de Lionel Daudet chez Stock. Sur une idée de sa femme, ce alpiniste accompli a décidé de suivre « exactement » la frontière de la France, sans moyen motorisé. Il part du sommet du Mont-Blanc et tourne en sens inverse des aiguilles d’une montre. Chemin de variétés, de rencontres, d’incertitudes « sans GPS, vous n’avez aucun moyen de savoir dans quel pays vous êtes ». Une « forme de pèlerinage ». Conclusion, sans doute provisoire, « la seule chose à faire dans nos vies, c’est de se mettre en marche vers nos rêves… le chemin devient aussi important que le but poursuivi ».

La seconde concerne le rapport de l’Oxfam, En finir avec les inégalités extrêmes, sorti le 20 janvier dernier. Le site www.oxfamfrance.org précise : « Oxfam France est membre de la confédération internationale Oxfam, un réseau de 17 organisations de solidarité internationale qui travaillent ensemble dans plus de 90 pays pour trouver des solutions durables à la pauvreté, aux injustices et aux inégalités ». D’après Oxfam, « la richesse des 1 % les plus riches [de la planète] s’élève à 110 trillions de dollars [un trillion = 1018] » ou encore « la moitié la moins riche de la population mondiale possède la même richesse que les 85 personnes les plus riches du monde ». Sur une population de 7 milliards environ, et en arrondissant un peu, nous avons un rapport de 1 à 10 millions. Sur notre planète, une centaine de personnes peuvent posséder chacune autant que 10 millions de personnes ! En termes de croissance, le dixième le plus riche a perçu entre 2008 et 2011, 70 % de la croissance mondiale. Écœurant ! Nous avons besoin sans doute d’entrepreneurs qui avant de s’enrichir eux-mêmes enrichissent la planète. Mais où s’arrêter ? Où poser une frontière ?

Pourquoi relier les deux nouvelles ? Parce que toutes les deux nous parlent de partage et de frontières. Lionel Daudet avec son périple original et ses rencontres. Oxfam avec ses camemberts, ses pourcentages et la brutalité des rapports et des comparaisons, rencontres à leur manière. Chez le premier, on entend un enrichissement humain, spirituel presque. Oxfam dénonce une situation et un mouvement inqualifiables. Le premier nous libère, nous invite à la route, un pied chez nous, un pied chez l’autre. Les seconds nous oppresse, nous paralyse : que pouvons-nous faire ? Le premier insiste sur l’importance du chemin, du présent. Les seconds nous parlent de ceux qui comptent, font des bilans, tournés vers le passé, impatient de l’avenir par rapport au passé. Rien sur leur présent : que font-ils de tout cet argent ?

Une synchronicité rassemble deux événements indépendants dans leurs relations causales, mais leur simultanéité fait sens pour celui qui les vit. Que ces deux nouvelles rassemblées le temps de ces quelques lignes, nous parlent avec exactitude, dans nos territoires à chacun, de nos partages et de nos frontières.

Daniel DUBOIS  facebook  twitter

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