Qui n’a pas souhaité dans le tourbillon de ses obligations, trouver un centre à partir duquel toute son existence serait comme unifiée ? Pour un chef d’entreprise, par exemple, pouvoir rassembler dans le même mouvement du cœur : son conjoint, ses enfants, ses amis, ses loisirs, ses projets, son entreprise, ses collaborateurs, ses partenaires, ses réussites, ses ennuis, que sais-je encore ? Pouvoir vivre pleinement l’instant présent avec le sentiment d’être totalement dedans, sans pour autant mettre l’amour sur « Pause » dans les autres domaines de son existence ! Est-ce possible ?
Mon intelligence, mon affectivité, l’accès à ma mémoire, toutes mes forces vives intimes me donnent l’impression de fonctionner en « mono-tâche ». Mon agilité pour passer d’un domaine à l’autre est variable. Ma sensibilité résonne différemment suivant les secteurs. Mais à un instant T, je ne fais qu’une chose. Et même si j’ai parfois le sentiment de faire mille choses à la fois, je ne les fais que l’une derrière l’autre.
Je peux observer ma dynamique intérieure dans une autre perspective. Au lieu de regarder mes pensées, mes actions, mes désirs comme des entités autonomes dépendant de mon bon vouloir – ce qui, entre nous soit dit, est bien pratique pour gérer nos contradictions – je peux considérer qu’elles découlent d’un centre que les juifs dans la Bible appellent le cœur. Ce n’est pas l’organe central du système circulatoire, mais le siège de la vie, le centre de son expression. Tout ce que je vis, procède du cœur.
Le désir d’unification de la prière du psalmiste rejoint la plainte de celui qui n’arrive pas à faire le bien qu’il souhaite et qui fait le mal qu’il ne voudrait pas. Dans ce double mystère du bien et du mal, inscrit au cœur même de ma vie, cette prière suggère que l’unification est possible. Une vie m’anime ; elle vient d’ailleurs que de moi ; et sa source est unifiée. Plus encore : quand j’exprime ce désir d’unité, j’affirme incidemment ma liberté ; comme le Livre le rappelle dans de nombreux passages avec force : vivre, c’est choisir en permanence entre la vie et la mort.
La fin du verset précise vers quoi tend cette unification. Le « Nom » dans la Bible est celui de Dieu, révélé à Moïse. Mais il est imprononçable. Évoquer le « Nom », c’est évoquer la transcendance. Craindre ce « Nom », c’est reconnaître respectueusement cette transcendance. Un peu comme nous le faisons vis à vis de ceux qui s’imposent par leur charisme, par leur engagement concret sans rien demander en retour. Et davantage qu’une reconnaissance, il s’agit surtout d’un désir d’entrer en relation malgré cette transcendance : j’accepte d’être libre sans être le centre de ma vie.
« Unifie mon cœur pour qu’il craigne ton Nom » m’invite à rattacher mes initiatives les plus intimes comme les plus extérieures, au centre de la vie que j’héberge en moi. Sans oublier que cette vie vient d’ailleurs et que cet ailleurs où elle me mène, mérite reconnaissance, respect et confiance !
Pour les chrétiens, croyants en l’incarnation de Jésus que nous fêtons à Noël, cette prière a été la sienne. Il y accepte sa mission de nous révéler l’amour à l’origine de toute vie. Et sa résurrection affirme l’unification trouvée.
Daniel DUBOIS
Tous droits réservés © Daniel Dubois – Décines, 2014