Il fut un temps, dans certains pays, mais pas longtemps hélas, où les différentes religions cohabitaient intelligemment. En Espagne, par exemple, dans les villes du sud, foyers de culture et de sciences, entre juifs, musulmans et chrétiens (catholiques à l’époque). L’humour religieux était possible. On pouvait rire des pratiques de l’autre. Il ne s’agissait pas de remettre en question ses croyances. C’étaient les différences qui faisaient rire, mais dans le respect des gens. Dans le fond, on savait rire de soi tout en préservant l’essentiel.
Le mot ramdam nous vient de ce temps. Il signifie chahut, tapage, souvent nocturne, en référence aux réjouissances que les musulmans s’autorisent la nuit pendant le ramadan dont il est une déformation abrégée. On peut comprendre en effet qu’après une journée de jeûne, on soit heureux de fêter le repas. Et on le comprend d’autant mieux qu’on est souvent invité à la fête.
Les cathos ont hérité d’une autre version comme dans « avoir une gueule de carême » sous entendu, traîner les pieds, raser les murs, faire la gueule quoi ! Jésus pourtant recommande bien de se parfumer la tête. Mais il s’agit d’une autre sorte d’humour pour une autre vérité.
On entend, dans notre temps, ici ou là, des comparaisons sur la couverture médiatique de ces deux temps d’exigence que sont le ramadan chez les musulmans, et le carême chez les chrétiens. Comparaison au détriment des chrétiens, qui sur ce coup, seraient encore à faire la gueule. Ou, en plus positif, qui se mettraient à parler de leur carême en réaction à la publicité du ramadan.
Voilà bien la perversité de notre buzz. Comme plus personne n’y connaît rien en matière de religion – surtout à certaines heures à la télé ou dans des radios « continues » – on se présente comme expert en faisant des comparaisons de lavandières. Avec cette profonde différence que les lavandières sont souvent expertes en humour, ce qui n’est pas le cas de nos « commentateurs » les mal-nommés, plus ardents à mettre de l’huile sur le feu qu’à rechercher la vérité.
Toute religion se présente avec une dimension sociale, des pratiques publiques, un message spécifique sur les questions d’actualité. Spécifique mais à destination de tous, y compris ses non-coreligionnaires. On peut admettre, en effet, qu’un système de pensée avec des convictions fortes, puisse générer des commentaires sur ce qui se passe sur cette planète. Distinguer croyances auxquelles le religieux adhère et y conforme sa vie, et la simple connaissance de ces croyances et vertus est un dilemme, au sens propre : deux propositions opposées aboutissent à la même conséquence. Ici, l’existence de ces croyances. Beaucoup ont cherché et cherchent encore à résoudre ce problème dans la violence : on ne peut pas vivre avec ce que tu crois, alors je te supprime !
Chrétien (mes précédents billets vous l’avaient suggéré), je suis entré en carême hier sans ramdam. Je suis fermement décidé à profiter de ce temps pour faire la vérité en moi et autour de moi. Comme je suis fermement décidé à laisser les autres pratiquer leur propre religion. Mais sans sacrifier à humour, pour que vive la vie !
Daniel DUBOIS
Tous droits réservés © Daniel Dubois – Décines, 2015