Je viens d’être confronté, dans mes activités d’écoutant, à plusieurs témoignages successifs de violences subies, verbales surtout, psychologiques (manipulation) ou spirituelles (dénigrement sur l’éthique ou la religion). Ce fut l’occasion de reprendre mes classiques sur ce sujet.
Toute violence porte atteinte, chez une personne, à ses diverses sensibilités : physique (violence corporelle, sexuelle), intellectuelle (contre la capacité et la finesse de raisonnement, l’équilibre psychologique), affective (envers les sentiments, la pudeur) et spirituelle (sur les convictions religieuses ou éthiques). Les différences de sensibilité des personnes ne permettent pas de classer, objectivement, ces violences par importance de nuisance.
Il est évident, quand quelqu’un est victime de violences, qu’on doit commencer par le protéger, qu’il doit commencer par se mettre à l’abri. La fuite est souvent un premier pas nécessaire. L’appel à ce qu’on peut appeler des forces de dissuasion (voisins, amis) ou le cri d’appel au secours sont aussi des moyens efficaces pour faire cesser un danger en mettant en fuite l’agresseur. Plus subtilement, la rupture de la relation, le refus de négocier (surtout avec les manipulateurs) seront fréquemment nécessaires.
La victime est souvent sujette au syndrome de Stockholm, une complicité affective de la victime avec son bourreau. Éric Berne, le fondateur de l’analyse transactionnelle, a montré aussi la dynamique du triangle maudit : la victime rencontre son sauveur dont elle devient le persécuteur ; le sauveur devient victime et ça repart pour un tour. Ces deux approches nous montrent que des liens très forts, des attaches, des intrications, s’installent entre la victime et son agresseur. C’est pour cette raison que la victime doit être accompagnée par un tiers pour se libérer des liens qui l’immobilisent dans l’offense. La parole libère. Mais il faut du temps pour objectiver l’offense et la mettre à distance, pour classer un événement ou un épisode de vie dans le passé…
Qu’attend-on de l’agresseur, une fois son forfait démasqué par une autorité incontestable : le chef du groupe ou la justice d’un état de droit ? Indépendamment de la peine infligée, l’agresseur doit réaliser un cheminement simple, mais exigeant. En premier lieu, il doit reconnaître que son comportement (et non des idées ou un contexte) est à l’origine des violences ressenties par sa victime. L’autorité juge sur des faits ; elle punit en fonction des faits. Mais la victime subit des dommages dans l’ordre des ressentis, qui sont bien autre chose que des faits. Ils sont de l’ordre de sa réalité personnelle. C’est l’atteinte à cette réalité que l’agresseur doit reconnaître.
Ensuite l’agresseur doit regretter son comportement, le reconnaître comme un comportement déviant, inadapté, en affirmant qu’il n’aurait pas dû faire ce qu’il a fait. Exprimer des excuses est du même ordre. Il s’agit d’une parole de l’agresseur parlant de sa faute, sur le niveau de son comportement, adressée à la victime. Plus tard, on pourra envisager l’évolution de la relation entre l’agresseur et la victime, là où pourra se jouer le pardon.
Mais c’est une autre histoire qui méritera à elle-seule un autre billet…
Daniel DUBOIS
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