Archives mensuelles : juillet 2013

Pigeons

Allez, les vacances sont bientôt là. Voici un sujet décontracté. Ne croyez pas que je veuille parler, au moment où Madame Parisot quitte le MEDEF, de cette contestation née, il y a quelques mois chez les start-up et snobée par les patrons. Non, il s’agit tout simplement de ces volatiles roucoulants qui envahissent nos espaces urbains.

Il me souvient qu’en attendant mon train à la terrasse du Train bleu en gare de Lyon, il y a quelques années de ça, j’avais été la cible de ces envahisseurs sans complexe. Ma casquette n’avait pas du tout apprécié. C’est depuis cet épisode que j’ai remarqué les arrêtes de fer qui surplombent les panneaux indicateurs dans les gares : elles empêchent nos volatiles de se poser et de laisser des traces qui compromettraient la lecture des renseignements qu’ils affichent.

Je pourrais aussi parler d’un de mes amis, responsable d’un bâtiment très touristique, et malheureusement envahi d’un guano glissant du plus mauvais effet. Il avait eu l’astucieuse idée de nourrir ces volatiles avec un mélange de graines et de pilule contraceptive. L’effet ne s’était pas fait attendre.

Ces deux anecdotes pourraient vous laisser penser que je n’apprécie que modérément ces compagnons volants. Et pourtant…

Il y a une quinzaine de jours, nous avons été surpris d’entendre des roucoulements sur notre balcon. Deux pigeons l’inspectaient en échangeant leurs commentaires amoureux. Ils essayèrent même un grand pot dans lequel un jasmin n’avait pas résisté au vent du nord qui souffle parfois sur notre quatrième étage. Nos pigeons sont revenus et nous n’avons rien fait, je l’avoue, pour les chasser. Et pourtant, nous ne les avons pas nourris.

Il y a huit jours, nous avons vu un œuf dans le pot du jasmin, et un deuxième ensuite. Depuis, nos deux pigeons se relaient pour les couver. Il est bien connu que les pigeons sont nuls pour construire des nids dignes de ce nom. L’année précédente, nous en avions vu un dans le bouleau sous la fenêtre de notre chambre : quelques brindilles posées à la-va-que-je-te-pousse sur un embranchement. Avec deux œufs aussi. Las, la première rafale venue avait tout balayé et le nid et ses œufs s’étaient retrouvés sur la pelouse.

Dans le bac au jasmin, ils ont apporté quelques brindilles. Pour faire comme si ; sans doute un reste d’instinct. Le bac, lui, lesté de son compost, ne risque pas de passer par-dessus bord.

L’autre soir, nous avions du monde. Le volet roulant que nous n’avions pas bougé depuis la découverte des œufs obscurcissait la pièce. Nous avons tenté de le lever un peu. Le pigeon qui couvait n’a pas bougé. Quand la famille est arrivée, avec l’ambiance habituelle des petits-enfants, le pigeon a levé la tête pour voir quelle était cette tornade, mais n’a pas bougé non plus. Nous avons même pu assister au changement ce quart. La femelle est arrivée. Le mâle n’a pas demandé son reste pour aller faire un tour. La femelle a hésité, d’autant plus que quelques paires d’yeux humains la scrutaient silencieusement. Puis l’instinct maternel a été le plus fort : elle s’est installée pour couver à son tour. Le lendemain, vers midi, le mâle est venu prendre son quart. Tout était rentré dans l’ordre.

Quelles leçons tirer de fait divers ? Cette torpeur estivale hésitante ne m’invite pas à philosopher profondément. Quel sens donner aux opportunités qu’on saisit ? Pouvoir mettre en veilleuse ses instincts, comme éviter de construire un nid par exemple, pour ne s’attacher qu’à l’essentiel : favoriser la vie et son émergence en se limitant à couver. Pour le reste… « marche, tu verras » disait-on sur les chemins de St Jacques. Laissons le temps du temps faire son œuvre…

Mes pigeons me rappellent l’importance de la suffisance. Comme le fait Pierre Rabhi à sa manière  ! La Nature est décidément une bonne maîtresse.

Alors bonnes vacances !

Daniel DUBOIS

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