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Changer de cap

On se demande parfois comment aider quelqu’un qui se trouve dans une situation piège, c’est-à-dire une situation dans laquelle il croit trouver son salut dans la fidélité à cette situation, alors que son salut est ailleurs. Entendez salut comme vous le voulez, cela ne change rien à mon discours. Un ailleurs est refusé, considéré comme inexistant ou inaccessible. Alors qu’en réalité c’est le piège qui verrouille. Le changement de cap peut alors résulter de deux dynamiques, complémentaires ou alternatives : contester la fidélité au piège et voir un ailleurs accessible.

Contrairement à ce que des spontanéité affectueuses laissent souvent penser, il est très difficile connaître ce qui est bien pour quelqu’un. Mais il est tout aussi difficile de rester spectateur d’une souffrance sans rien faire. La plainte est stérile, l’encouragement souvent inopportun. Alors que faire ?

L’accompagnement vers un changement de cap comporte deux temps. Premièrement, la personne en difficulté doit pouvoir exprimer cet ailleurs qu’elle considère inaccessible, comme existant au moins chez des proches, famille ou voisins. Cela sera d’autant plus simple que la personne n’est a priori pas concernée par le discours. Mais la proximité des témoins, sur le plan affectif ou relationnel, est essentielle ; et il est important de trouver plusieurs exemples.

Car ensuite, la personne sera amenée à déterminer les critères qui vont lui permettre de classer les ailleurs inventoriés dans un ordre de préférence. Il s’agit là d’un exercice qui n’a pus grand chose à voir avec l’ailleurs refusé ou le piège inavouable. Il s’agit d’exprimer des préférences en général, en dehors de toute situation contextualisée.

Ces critères en mains, il devient possible de manipuler intellectuellement sur l’échelle des préférences, les ailleurs recensés. L’opération doit aboutir, avec l’aide de l’accompagnateur, à la remise en cause d’un ailleurs inaccessible, une ouverture au doute, un premier pas vers l’éventualité d’un changement.

Prendre conscience d’être prisonnier d’un piège – contester le piège – suit une démarche analogue : recenser chez des proches, des situations pièges ; chercher des critères d’évaluation ; ordonner les situations recensées ; revenir à soi – « ne serais-je pas, moi aussi, dans un piège analogue ? » – pour une ouverture au doute salvatrice. Le refus du piège est envisageable. Imaginer la construction d’un environnement souhaité apportera une alternative à l’abandon du piège.

Ces démarches sont troublantes car elles associent des constats et des jugements extérieurs à la problématique, au moins au départ. Il n’est pas dans nos habitudes de bon samaritain d’apprécier le paysage au lieu de s’occuper du blessé couché sur la route. Et pourtant, ce n’est qu’en se décentrant de la problématique qu’on peut lui trouver une solution. La systémique nous enseigne qu’un problème a toujours sa solution sur un autre niveau que celui qui l’a vu survenir.

Dans un accouchement, quand la tête est passée, le reste suit sans problème. Dans un changement de cap, l’ouverture au doute correspond à ce passage. Il reste ensuite à construire un nouveau paradigme personnel. Mais ceci est une autre histoire sur laquelle je vous propose de revenir plus tard.

Daniel DUBOIS

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