Archives mensuelles : février 2014

Du pain et du cirque !

La locution latine Panem et circenses sous-entend le mot jeux. Eh bien, sous-entendons-le nous aussi ! Ces cirques-là (circenses) sont aujourd’hui nombreux : terrains de sport dédiés au ballon, qu’il soit rond ou ovale, jeux olympiques saisonniers, télévision dite réalité, jeux vidéo solitaires ou en ligne, et bien sûr, smartphones et tablettes.

Quelques observations, pêle-mêle. Une maman accompagne tous les matins son gamin de 4-5 ans à la maternelle. Depuis Noël, elle y va en tapotant sur une tablette. Quand le gamin se manifeste d’une façon ou d’une autre, il se fait rabrouer violemment. Dans l’immeuble d’en face, je vois depuis à peu près la même date, trois nouveaux postes de télévision allumés à toute heure de la nuit. La coupure se fait entre cinq heures du matin et huit heures. Ces gens-là, que je ne connais pas, ne dorment plus comme avant. Pris par le cirque audiovisuel. Voir un jeune aujourd’hui sans son smartphone ou sa tablette, avec son casque rivé aux oreilles, devient de plus en plus rare.

Oui, nous sommes envahis, cernés par le cirque !

Pascal parlait du divertissement. Dostoïevski nous livrait la fable cynique du Grand Inquisiteur. Les jeux continuent pourtant, malgré leurs variantes inhumaines, toujours d’actualité hélas : guerres, génocides, exterminations…

Prendre conscience de ces réalités me semblent un premier pas libérateur, insuffisant certes, mais nécessaire. Observer, se renseigner, connaître ce monde privé de liberté. Non pour le juger, non pour y succomber, mais pour savoir ce qui se passe. Dans le même mouvement, affiner ses motivations profondes. Mettre en mots ce qui nous anime en profondeur, le sens que l’on donne à son existence, en opposition avec ce tournis ludique.

Ensuite, les choses semblent se compliquer, car il s’agit d’un affrontement apparemment nouveau, sans référentiel. Comment se faire rencontrer une petite poucette comme dit si bien Michel Serres, et quelqu’un ayant le souci de son existence et de l’avenir de l’humanité ? Comment être avec quelqu’un le temps d’une correspondance dans les transports en commun, le temps d’une attente ensemble quelque part, lui dans le rôle de RoboCop et moi dans le rôle de… de quoi, au juste ?

Car voilà la question : face à ce cirque, quel est mon rôle ? Laisser faire ? Laisser l’humanité régresser vers un statut d’animalité trouvant son bonheur à se nourrir et à se divertir, sans autres perspectives ? Jouer au redresseur de tort : les religions sacrificielles s’y sont essayées et René Girard en a bien montré l’impasse, détournée par le christianisme ?

Il y a une piste, j’en suis sûr ! Elle est du côté de l’amour : pourquoi ne pas aimer ces joueurs du cirque ? Non en jugeant positivement leur comportement (ce qui resterait encore un jugement stérile), mais en acceptant que ce qu’ils sont, dépasse ce qu’ils font. Et en espérant, mais ceci ne dépend plus de moi, que par ricoché, ils s’intéressent à ce qui me motive : le bien d’une humanité qui marche vers son accomplissement.

Ah ! Si je pouvais oser plus souvent…

Daniel DUBOIS  facebook  twitter

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