Archives mensuelles : janvier 2015

Bénévoles, pour quoi ?

À l’heure où, la retraite ayant sonné, mon activité sociale s’exerce principalement dans le bénévolat, je m’interroge sur les motivations de cet engagement. Vous noterez, pour commencer que bénévolat est un mot qui sonne un peu comme apostolat ou comme célibat, évoquant sans doute la profondeur de la mission et l’interrogation qu’il suscite.

Certains s’engagent en répondant à la question « Pourquoi ? ». Ils le font positivement « pour », ou négativement « contre ». Il y a ceux qui poussent pour avancer ; et ceux qui bloquent pour arrêter. Cette ambivalence se retrouve au plus intime de nous-mêmes dans notre volonté de vivre et notre refus de la mort. La morale n’a rien à voir dans ce choix, qui souvent s’exprime différemment en fonction des domaines ou des moments. Ceux qui répondent à leur question « pourquoi ? » s’engagent pour faire quelque chose. On est dans le domaine du faire. Un domaine propice malheureusement à l’affairement. « Ça sent la sueur ! » dit-on péjorativement. Pourtant, ces gens-là sont indispensables.

D’autres cherchent à répondre à la question « Comment ? » Souvent une interrogation intellectuelle, parfois artistique – de l’ordre de l’étonnement – ou sentimentale, affective. L’énergie disponible est alors canalisée vers l’inconnu, avec les risques de tout inconnu : la peur, l’errance, le doute… Quand ces gens-là, au gré des occasions se retrouvent avec les premiers, l’organisation devient le problème à résoudre. Et souvent un sujet de discorde, car tout les oppose : les études, l’expérience, les objectifs, les méthodes… La patience et l’amitié les rapprochent, heureusement.

D’autres enfin, que je qualifierais de mystiques, cherchent à répondre à la question « pour quoi ? » en deux mots s’il vous plaît. Ou « pour qui ? » : question à laquelle semble avoir répondu celui ou celle qui se consacre à l’apostolat. Dans ce questionnement, un glissement s’est effectué par rapport aux deux positionnements précédents. Celui qui s’interroge n’est plus au centre de la solution. Il y a quelque chose – quelqu’un d’autre que lui – qui occupe ce centre. Il se tient sur la périphérie. Serviteur. Ce n’est plus lui qui commande. Devant une situation pratique urgente ou délicate, pour choisir une méthode ou pour simplement se laisser prendre par l’émotion, ces mystiques commencent par se connecter à la raison supérieure qui justifie leur présence. Et ils invitent leurs collègues à faire de même. Monsieur Bergson l’avait bien compris.

Reconnaissons sans nous attarder que certains mystiques dégénèrent en organisateurs ou en agent d’exécution. Leur sentiment mystique s’atrophie et ce qui faisait leur richesse de mystique devient un instrument de pouvoir. Nous ne sommes pas loin des rôles du triangle maudit qui tournent entre les acteurs : victime, sauveur, persécuteur.

Être bénévole, faire ce qui plaît, être utile : voilà des motivations habituelles. Et si « être bénévole » c’était tout simplement se donner l’occasion de devenir mystique ? l’occasion de se mettre en position pour découvrir un centre à servir ? l’occasion de se découvrir un sens ?

Daniel DUBOIS

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