Donner sens à l’existence

Dans son livre Retour à l’émerveillement (Albin Michel, 2010), Bertrand Vergely évoque trois facultés « qui permettent à une vie de se structurer » (p. 28) : l’intuition, la compréhension et l’orientation. J’ai été particulièrement interpellé par cette approche, et je viens vous offrir quelques prolongements. Je ne saurais que vous conseiller, bien évidemment, de lire ce livre pour rentrer dans la réflexion et le cheminement de ce grand sage qui sait si bien parler de la beauté.

Je suis ce qu’on appelle un intuitif. Je tiens cette faculté de ma grand-mère qui avait aussi un don de prémonition extrêmement précis. L’intuition est plus que le ressenti ; c’est une espèce de certitude et non une sensation vague. Cette certitude s’impose d’autant plus que la conscience est vidée de toute attente, de toute inquiétude, et pour le dire en positif, d’autant plus que la conscience est disponible. Ce qui s’apprend, dans l’apprentissage patient du vide intérieur en contraste avec une observation habituellement ciblée et attentive. L’intuition nous donne accès à des réalités autres que les réflexions logiques, causales ; accès aux réalités esthétiques plutôt que logiques ; émotionnelles plutôt que psychologiques. Étant artiste, facilement improvisateur sur un clavier, l’intuition est très certainement pour moi un chemin de signification pour mes audaces, mes décisions, mes engagements. Pour moi, et pour les autres, aussi. C’est ainsi que j’ai beaucoup insisté pour que mes enfants, dans leur apprentissage de la vie, puissent écouter leurs chemins d’intuition.

Vergely évoque aussi la compréhension, comme exigence pour trouver sens. L’expérience récente d’un décès familial me le confirme avec force. La mort d’un proche entraîne des perturbations que les rites sociétaux et religieux, cherchent à réparer. Chaque animateur ou responsable de ces rites, auquel on fait naturellement confiance, propose un rituel personnalisé, élaboré avec la famille. Parfois, pourtant, tel ou tel bute sur une incompréhension (chez le notaire, par exemple). Celui qui cherchera à comprendre (ce qui n’est pas tout à fait la même chose que chercher à accepter) donnera plus facilement sens à ce qui se passe que celui qui se sent obligé de suivre même s’il ne comprend pas. Cela semble évident. J’ai envie de comprendre pour ne pas mourir idiot, entend-on. Mais pourtant, combien de démissions, justement, face aux exigences de compréhension, sous prétexte de technologies modernes, de complexité sémantique. Ah ! Si nous pouvions nous indigner plus souvent face à ces barrages déshumanisants !

Enfin, Vergely parle de la faculté d’orientation, d’être orienté et non désorienté. Comme il a raison ! Je suis étonné quand dans des situations difficiles, la simple question « Où veux-tu aller ? », remet la personne sur une route fiable pour elle, une route où sa liberté va pouvoir s’exprimer et lui apporter plus de bonheur que dans l’impasse où elle est.

Certitude émotionnelle, volonté de compréhension, choix d’une voie : je retiens cet éventail pour analyser tout appel de la vie et fonder tout nouvel enracinement.

Daniel DUBOIS

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