Femme et homme

C.-G. Jung que j’ai évoqué dans mon dernier billet, nous a parlé avec insistance des synchronicités, ces événements reliés par aucune cause commune, pas même le moindre effet papillon, mais dont la survenue simultanée, ou proche, est riche de sens pour celui qui les vit.
Alain Rémond, billettiste de talent à La Croix, a commenté récemment l’assemblée synodale des évêques à Rome, sous le titre Entre hommes. La réaction est classique : qu’est-ce que des hommes célibataires peuvent connaître de ce que vit une famille, et plus précisément les parents, pour en parler avec autant d’autorité ?
L’autre événement s’est déroulé lors d’un atelier d’écriture auquel je participe. Je suis le seul homme de l’équipe, animée qui plus est par une femme. Une séance commence par la présentation du travail du jour ; ensuite chacun pendant une heure et demi environ, rédige son texte ; puis il le lit ; et tout le monde le commente. Nos échanges sont très riches. Lors de notre dernier atelier, nous avons été invités à décrire une rêverie, le cadre dans lequel elle intervient, et surtout, les sentiments du rêveur.
Mes compagnes d’équipée ont réagi à mon texte, unanimes. Mes représentations de l’environnement de cette rêverie et des sentiments de son actrice étaient celles d’un homme ; une femme n’aurait pas vu les mêmes choses, ni exprimé les sentiments comme je l’avais fait.
Cependant, marié depuis plus de 45 ans avec la même épouse, j’ai appris effectivement, pour ce qui concerne nos existences, à regarder le monde avec mon œil masculin et aussi son œil féminin. C’est comme si j’avais appris à marcher avec mes deux jambes. Et j’en suis fort aise !
Mais Alain Rémond et mes compagnes de l’atelier d’écriture nous le rappellent : chacun existe avec son propre sexe, qui conditionne beaucoup de choses. Nous avons à être fidèle à ce donné anthropologique ; et on connaît la souffrance de ceux qui ne le peuvent pas. Je suis conforté par ma récente expérience en atelier d’écriture, à rester fidèle à ma manière de voir les choses et de les exprimer en homme.
Pour autant, que ce soit un synode ou un livre, nous nous adressons tous à des hommes et à des femmes. Jung, encore lui, nous a montré l’intérêt de sublimer l’autre partie de soi, ce qu’il appelle le côté femina chez les hommes. Annick de Souzenelle évoque dans un de ses écrits, je cite de mémoire, une tradition ancestrale : quand l’homme aura totalement intégré sa femina, son cœur passera de gauche à droite. Une transformation de taille !
Nous sommes invités à un double mouvement : vouloir intégrer en nous l’autre côté pour appréhender la réalité et prendre les décisions qui en découlent, en marchant sur nos deux jambes ; et aussi, apprendre à percevoir quand les autres essaient de marcher sur leurs deux jambes. Un mouvement vers l’intérieur de soi, et un mouvement vers l’extérieur, vers les autres.
Peut-être, alors, que dans cette solidarité, notre monde trouvera une nouvelle fécondité, équilibrée.

Daniel DUBOIS

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