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En pleine paix !

Je m’en voudrais de ne pas participer à l’hommage rendu à Georges Lautner qui vient de nous quitter et aux Tontons flingueurs qui fêtent leurs cinquante ans. J’ai été cinéphile pendant ma jeunesse. Mais les Tontons sont sortis avant que cette passion me prenne. En revanche, je me souviens de ma première séance des Barbouzes, et bien plus tard, du Professionnel. J’ai rencontré les Tontons ensuite.

On s’interroge à juste titre sur l’évolution de la renommée des Tontons. À l’origine, ce film, comme tant d’autres à cette époque, avait la simple prétention de divertir à partir de clichés faciles. On entend dire, du reste, que Lautner n’appréciait pas ce succès à retardement. Par rapport aux films de J.P. Melville (Le cercle rouge, par exemple) ou de H. Verneuil (Le clan des Siciliens) qui s’expriment dans un autre registre, sur une nouvelle vague, les Tontons jouent le contraste populaire. Des personnalités affirmées, des hommes, des vrais, truands ou artistes, incarnés par Lino Ventura ou Claude Rich ; des femmes qui commencent à s’émanciper mais qui restent cantonnées encore dans leur cuisine. Mais surtout, une philosophie de café du commerce servie par un M. Audiard rutilant, dans une satire aussi facile du milieu que du mouvement yé-yé qui commençait à faire parler de lui.

Dans ce film, on y flingue, mais dans le respect de la vie. L’association de malfaiteurs est d’abord une association avec son code d’honneur, dans lequel la famille tient une place centrale. D’ailleurs, le film se termine par un mariage. Toute la scène, dans la cuisine, autour du « spécial… », du « bizarre… », du « brutal… », « une boisson d’homme… » rajoute à la nostalgie. C’était le temps des alambics dans les campagnes. Des moments et des lieux pour faire la fête, pour se réconcilier, pour se retrouver « en pleine paix ». Comment faire la paix aujourd’hui avec ses voisins ? Surtout quand elle est voilée ? Ce temps semble révolu, alors on se souvient.

Les nations savent organiser les cérémonies du souvenir, construire des monuments aux morts, entonner des hymnes nationaux. La plus petite commune de campagne y va de sa cérémonie pour le 11 novembre, le 8 mai ou bien sûr, le jour de la fête nationale. La cohésion du pays s’entretient avec ces événements. Les célébrer dans un mémorial, c’est réactiver des valeurs en actes, de courage, de liberté, de fraternité.

Mais aujourd’hui, dans notre république de 2013, il y a comme un doute. Le cynisme politique qui exclut l’humour désintéressé, franc et massif, nous fatigue. Tout est calculé. Plus d’audace, plus d’improvisation gratuite. La famille, quelle famille ? Les Tontons nous offre une antidote magistrale, avec à la clé, une conclusion dans laquelle l’ordre règne. Que demander de plus ?

Ce film a du succès et continuera d’en avoir pour des raisons simples. C’est d’abord un spectacle. Et ce spectacle est assuré par des acteurs experts dans leur métier, dirigé par un réalisateur et un dialoguiste tout aussi experts, soucieux de passer un bon moment pendant le tournage et le montage avec leur bande de copains. C’est aussi un spectacle sans ambition philosophique. Une excellente recette pour un excellent cru. Les Tontons ne sont pas près de se retrouver « … au terminus des prétentieux ! »

(Toutes les citations sont de Michel Audiard).

Daniel DUBOIS

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