Faire son deuil

Des proches et des amis sont confrontés à la perte d’un être cher : je leur dédie ce billet.

Quand survient une perte, la personne affectée peut avoir des réactions déroutantes. L’expression ‘faire son deuil’ évoque une démarche, un processus au terme duquel la perte semble acceptée ; la vie continue alors, autrement. Voici quelques éléments de compréhension que nous ont transmis des ‘accompagnateurs’ de deuil.

Pour bien se comprendre, je vous invite à repérer les termes en italique : soi est la personne touchée par la perte et engagée dans un processus de deuil ; la perte est l’être cher décédé ; l’autre est celui ou ceux qui sont à côté de soi, et qui parlent à soi.

La démarche de deuil passe par plusieurs étapes mais elle peut être chaotique : une étape ne durera que quelques minutes, une autre plusieurs années ; une étape passée peut se présenter à nouveau ; l’ordre des étapes n’est pas rigoureux. En revanche, et c’est important, tout deuil semble passer par ces étapes.

1. Face à la perte, soi réagit par le déni : « Ce n’est pas possible ! Je n’y crois pas ! ». Cette réaction permet à l’organisme victime d’un coup de stress important du fait de la perte, de s’adapter physiologiquement. L’autre dans cette étape va constater le déni, sans le contester ; et nommer la perte comme objet du deuil à faire. Un dialogue de sourds, mais à ce stade, ce n’est pas grave.

2. Après le déni, vient généralement la révolte. Soi reconnaît maintenant la perte, il va employer le mot ‘mort’ ou le mot ‘décès’, mais il ne va pas l’accepter. Soi impose à l’autre des relations baignant dans la colère, parfois dans la violence. L’autre va constater la révolte, sans l’adopter personnellement, en lui opposant les contraintes de la vie courante : faire les courses, faire à manger, faire le ménage, se coucher, etc.

3. La révolte peut se transformer en négociation ou en marchandage. Soi est confronté à sa souffrance, à sa solitude, et il voudrait en être soulagé. Il exprime alors à l’autre un marché dans lequel il serait prêt à accepter la perte, mais sous conditions. L’autre va entendre cette acceptation, la reformuler à soi, mais sans évoquer les conditions.

4. La déprime est sans doute la dernière étape de souffrance. Soi est perdu dans sa souffrance, dans sa tristesse, dans son abattement. La perte lui manque, affectivement et matériellement. Il a perdu ses repères sans en avoir de nouveaux pour vivre seul. L’autre va reformuler cette errance sans but. Inutile de raisonner, de vouloir prouver quoi que ce soit. Il suffit d’être avec et d’accompagner les gestes simples de l’existence ; on peut aussi rappeler des souvenirs communs à soi et à l’autre.

5. Quand soi accepte la perte, le deuil à proprement parler est terminé. Mais la tristesse peut rester présente, et parfois longtemps encore. Soi décide de continuer à vivre sans la perte, assumant sa solitude. L’autre va rester proche, en particulier au début pour aider soi à porter sa tristesse.

6. Enfin, cette acceptation s’accompagne d’une étape complémentaire que certains ont appelé « la récupération de l’héritage » : il s’agit pour soi de recueillir les souvenirs partagés avec la perte et qui appartiennent autant à la perte qu’à soi. Cette récupération permet à soi de pouvoir choisir comment refaire sa vie. Elle lui permet, en particulier, de renouer des relations ressemblant à celles qu’il avait eues avec la perte, sans qu’elles soient frappées d’une fatalité de mort ou de brisure.

Accompagner une personne dans sa démarche de deuil se fait au niveau du cœur, pas au niveau de la raison. C’est à la fois, le côté simple et inhabituel de ce cheminement. Il ne faut pas chercher à comprendre, ni à expliquer, ni à convaincre ; mais chercher à partager des ressentis, dans l’amour.

Et on laisse du temps au temps pour qu’il fasse son œuvre.

D.Dubois

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