Archives mensuelles : décembre 2013

Nelson Mandela : « Le pardon sans l’oubli, la vérité sans la vengeance »

Nelson Mandela nous a quittés ce 5 décembre 2013 à 95 ans. Je suis assez méfiant par nature face à ces phénomènes de société quand les foules s’enflamment. Comme disait mon voisin paysan : « Attends de voir venir… ». J’ai donc attendu un peu.

En 1963, Mandela aurait dit en rentrant dans sa prison (je n’ai pas noté ses mots exacts) qu’il allait avoir du temps pour réfléchir à la manière de supprimer concrètement l’apartheid de son pays. Je conserve cette réflexion précieusement. Au moment où il est privé de sa liberté d’aller et venir, il affirme sa liberté intérieure et sa capacité de créer de nouvelles relations entre les hommes de son pays. Quel projet !

On connaît la suite notamment avec de Klerk et le prix Nobel de la paix en 1993. Quand ensuite, avec Desmond Tutu, il anime la commission de réconciliation, il reste dans la même dynamique. Tous les deux veulent libérer de la haine, non seulement l’oppresseur et l’opprimé, les blancs et les noirs, mais le pays comme une unité en soi, une unité à reconstruire. Bruno Frappat dans sa chronique L’humeur des jour (La Croix du 13/12/2013) évoque la grande leçon de Mandela : « Le pardon sans l’oubli, la vérité sans la vengeance », ajoutant ses vertus de constance et de courage. Je souscris totalement à cette vision.

Mandela incarne pour moi la symbiose entre une liberté personnelle très profonde, une conscience vive de son pays, et une exigence anthropologique authentique. C’est l’icône qu’il me laisse pour me recueillir avant d’agir. Sa foi de chrétien, discrète par respect pour les autres, lui avait appris le vrai sens de la liberté, celle qui est donnée tôt ou tard par la vérité. Sa liberté nourrissait son humilité. Et son humilité lui permettait d’aimer son pays avec des audaces surprenantes.

Il a eu en effet l’audace du pardon possible, en dissociant bien l’oubli du pardon qui laisse aller l’autre et soi-même sur sa propre route, mais sans effacer ce qui a été et qui, de ce fait, ne peut pas ne pas avoir été. Par le pardon donné et reçu, chacun devient libre d’aller sur sa route, totalement libre, pour inventer une nouvelle manière d’être, une nouvelle manière d’être ensemble. Aucune prison, aucune mort n’enferme plus quiconque dans son passé. « Je te pardonne. Va. Moi aussi, je suis libre ». Et Jésus pourra ajouter à celle qui avait failli mourir : « Désormais, ne pèche plus ! »

Voilà pourquoi Mandela a été un chef d’état comme on les aime : des chefs, libres, affranchis des convenances et de la haine, pour servir leur pays. Voilà pourquoi on chante et on danse pour son décès. Entre humains libres, on peut faire la fête ; comme après un match de rugby.

Il n’y a pas de liberté digne de ce nom si elle n’est pas polarisé sur le bien du pays, ou en tout cas, sur le bien des autres. Qu’à la mémoire de Nelson Mandela, nous soyons, chacun à notre place, jaloux de notre liberté intérieure en la protégeant et en la nourrissant. Et que cette liberté nous guide pour créer à l’intention de nos proches, un environnement de bonheur. Qu’elle nous interroge aussi sur l’opportunité d’un engagement civique pour faire de notre pays et de notre planète, un lieu de justice et de paix.

Daniel DUBOIS

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