Break

Retraité, je ne bénéficie pas de congés payés. Pourtant, je rentre de vacances, une petite semaine en Bretagne chez ma fille, mon gendre et leurs deux filles (4 et 2 ans). Et je suis tout chose, car j’ai le sentiment d’avoir découvert les bienfaits de la rupture, du break comme on dit.

Le paysan qui travaillait dur la terre avait ses rythmes alternant (beaucoup de) travail et (un peu de) détente. Le salarié a ses congés payés et autres temps de repos. Personnellement, ayant été longtemps consultant indépendant, j’ai négligé, à tort, ces coupures (et j’ai bien peur qu’aujourd’hui les responsables salariés soient dans les mêmes dispositions avec leur téléphone et leur ordinateur portables). Si bien que lorsque je suis devenu retraité, les choses sont restées pour moi comme elles étaient. Ce sentiment étonnant de coupure réelle que je viens de vivre me permet donc de vous inviter à une petite réflexion sur le break.

 Le phénomène de rupture est simple : dans le temps qui s’écoule, l’environnement change, invitant à un comportement et des activités inhabituelles (sous-entendu : avant de revenir à la situation initiale). J’ai évoqué dans un blog de février 2013, Blague à part !, les niveaux logiques : avec cette grille, on sait que la modification de nos comportements et de nos activités peut modifier non seulement notre organisation, mais aussi notre système de convictions, notre conscience de nous-mêmes et même la conception de notre mission sur cette planète.

La rupture peut donc s’analyser sur différents niveaux. Au niveau de l’activité, les vacances, étant le temps où on ne travaille pas, seraient le temps où on ne fait rien. Parlez-en aux maîtresses de maison qui font les courses, la cuisine, la lessive et un peu de ménage quand même. Et chacun, que je sache, continue à se laver et se faire beau, au moins pour ses collègues.

La rupture peut s’analyser aussi au niveau de l’organisation ou du planning. Mais je note que certains ont un agenda de vacances plus serré que pendant leur travail (c’est peut-être pour cette raison que je n’aime pas les voyages organisés). Ou encore, les vacances seraient l’occasion de mettre en œuvre des compétences particulières, artistiques ou sportives. Découvertes, mais pas réellement un apprentissage qui lui, parfois, est reporté au moment de la retraite.

La rupture de fond apparaît au niveau des obligations et des convictions qui y sont attachées. Le salarié qui va travailler est dans l’obligation de le faire ; c’est une conviction vitale. Devenu retraité, il perd cette obligation (encore que, avec les évolutions actuelles…). Dans un break, l’absence d’obligations nous met tout simplement en disponibilité. Disponible pour rester au lit le matin, pour faire la sieste, pour suivre ses envies ou pour improviser. Disponible pour organiser le nécessaire quand on veut, et non en fonction des autres obligations. Disponible surtout pour découvrir le monde, les autres, son conjoint, ses enfants… pour se laisser étonner.

Voilà l’essentiel. La rupture est la possibilité d’une expérience particulière, difficile en d’autres circonstances : l’apprentissage de l’accueil. Alors que nos obligations, choisies ou imposées, nous mettent, impuissants ou presque, au centre du monde, le break met les réalités qui nous entourent au centre de notre vie. Pour s’en étonner ; pour apprendre à les accueillir.

Si bien qu’après le break, quand nous retrouvons nos obligations, il nous reste le sentiment étrange que nous pouvons les accueillir différemment. Mais si un salarié est tenté de prendre des résolutions, indiquant par là, ses retrouvailles avec des obligations (qu’il se donne), le retraité, lui, va prendre des dispositions, indiquant ici son attitude d’accueil. Des dispositions, comme celles qu’on couche dans un testament. Avant la grande rupture… Avant le grand accueil…

Daniel DUBOIS

P.S. : Curieusement, le dictionnaire de l’Académie dans sa 9e édition intègre le mot break, sans donner la définition utilisée ici, extension sans doute du sens qu’elle retient en sport et signifiant la séparation par l’arbitre de deux adversaires au corps à corps, à égalité (boxe, tennis)

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